jeudi 7 mai 2009

Besoin de Gauche, le Web et la campagne d'Obama par Cédric O.

« Pierre Moscovici se lance dans un site participatif ? » La question est d’un journaliste, pas plus tard que jeudi dernier. Les nouvelles vont vite, on dirait… Mais pour répondre à une telle question, il convient d’abord de bien comprendre ce terme si en vogue de « site participatif ». Voila pourquoi, à une semaine de la sortie du site, il semble utile de rappeler les principes de ce curieux objet.

« Oui, j'ai inspiré Obama et ses équipes nous ont copiés ». C’est elle qui l’a dit, en Janvier dernier. « Des propos ironiques », avait corrigé Ségolène Royal. Ironiques, peut-être, mais assez clairs pour ne pas passez inaperçus. Comme souvent. Et comme souvent encore, assez frappants pour déclencher un flot de sarcasmes en tout genre, qui une fois de plus ont pointé la forme pour oublier tout à fait le fond.

Ce qu’il faut reconnaître à la Présidente de Poitou-Charentes, c’est que tout comme elle, le candidat démocrate s’est largement appuyé sur les outils internet et l’implication des électeurs. Par facilité, sans doute, par ignorance, surtout, les journalistes ont rapidement catalogué les deux campagnes sous cette même appelation à la mode : « web participative ». Malheureusement, la volonté de rapprocher les philosophies des deux campagnes ne résiste pas à une étude approfondie. A y regarder de plus près, elles sont même très différentes.

Ségolène Royal a bâti sa notoriété et sa victoire dans les primaires de 2006 sur un principe simple, celui du citoyen-expert. Arguant que les premiers connaisseurs de leur quotidien – et donc les plus à même de trouver les réponses à leurs problèmes – sont les citoyens, elle a placé ces derniers au cœur de la définition de son programme. L’émergence du citoyen-expert n’est au passage pas sans rappeler l’évolution des marques dans leur relation à leurs consommateurs. Le fait que Nathalie Rastouin, directrice du groupe Ogilvy ait accompagné la candidate de 2007 n’est certainement pas étranger à l’affaire. Dans le cas de Ségolène Royal, c’est donc le programme qui est participatif. On se souvient des nombreux « cahiers d’espérances » remontant de toute la France pour irriguer – finalement à la marge – le programme de la candidate socialiste. Au-delà du site Désirs d’avenir, la campagne est, elle, restée relativement classique. Meeting, tractage, boitage, … elle s’est largement appuyée sur l’organisation traditionnelle du parti socialiste, de ses fédérations et de ses sections.

A l’inverse, Barack Obama n’a jamais demandé à quelque citoyen que ce soit d’écrire une ligne de son programme politique. Dans son cas, c’est la campagne qui est participative. S’appuyant sur une fine connaissance des nouveaux outils et de leur utilisation (notamment grâce à la participation de Chris Hugues, cofondateur de facebook), il a fait du web une caisse de résonnance, un outil d’organisation et un levier financier hyper-efficaces. Faisant de chaque militant son propre directeur de campagne grâce au réseau social mybarackobama.com (liste personnalisée de contacts à appeler, possibilité d’organiser ses évènements, objectifs financiers, etc.), il a formidablement rénové le fonctionnement-même de l’appareil de campagne. Fondant sa stratégie de campagne internet sur les phénomènes d’empowerment et de mémétique chers au web social, il a aussi su faire d’internet un levier de la vie réelle, décuplant l’efficacité d’outils biens connus comme le porte-à-porte ou le phoning.

Alors, quel modèle pour Besoin de gauche ? Un peu des deux. Participatif dans son contenu, car - sans aller jusqu’à demander aux internautes de construire eux-mêmes notre pensée – le site qui paraîtra lundi prochain associera les internautes à la production des contenus et à la réflexion ; participatif sur le mode de fonctionnement, car réseau social, boucles de blogs et autres dailymotion, flickr ou del.icio.us ont pour vocation de permettre à chacun de s’approprier le mouvement pour s’en faire le relais, et devenir à son tour le maillon d’une nouvelle chaine. Elle correspond au moment politique que nous vivons, à ce besoin de rénovation des idées et des pratiques de la gauche.

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